Stephan a fait irruption avec une bouteille de Cognac bon marché. Il avait couru, il avait du mal à reprendre son souffle...
« - Vous savez quoi ? A-t-il dit avec enthousiasme. On va boire. A notre santé ! A la santé des voisins ! Déjà, rien que le mot est joli.
Voisins.
J’aime mes voisins. Et même si j’ai parfois envie d’en tuer un ou deux, je les aime ! Je les aime tous ! »
Nous ne savions pas trop comment réagir. C’était la première fois que nous voyions Stephan dans un tel état. Il s’était mis à remplir nos verres. Il a poursuivi.
« Brusquement j’ai compris : le monde est constitué de voisin. Tu es mon voisin à moi, je suis ton voisin à toi. Regardez, là-bas, la rue voisine, l’immeuble voisin. Et là-bas, la ville voisine. Nos voisins, c’est les Ukrainiens et les voisins des Ukrainiens, c’est les Polonais.
L’Europe est la voisine de l’Asie. La Terre, c’est la voisine de comment déjà... de Vénus. Vous comprenez ? Nous sommes toujours les voisins de quelqu’un ! Sans voisin rien ne marche. Vous êtes mes voisins à moi, et je vous aime. »
Ces paroles de Stephan, génialement simples, et plus encore le sentiment qui les accompagnait, nous ont profondément émus.
Nous avons bu par petites gorgées. Nous savourions l’impression de bien être qui nous envahissait l’âme. Des larmes étaient même apparues dans les yeux de Leira et de Iouri VASSILIEVITCH.
Alexandre IKONNIKOV
Editions de l’Olivier
(Dernière nouvelles du bourbier)
Extrait de la page 69